dimanche 31 mars 2013

Le Continent Déchiqueté - Laurent Genefort

212 pages chez Fleuve Noir, 1997.

Aux premières pages de ce bouquin, j'ai tremblé : ayez du Planet Opera super Hard SF.  Et bien non pas du tout. Un bon livre dans le style avec un bon scénario bien ficelé et des psychologies de personnages bien travaillées. De la technologie d'une part, de l'organique de l'autre, un pont entre les deux. Deux Robinsons que tout sépare, l'un planétaire et dogmatique, l'autre aérien et augmenté vont devoir survivre avec l'aide de créature bionique sapiente sur une planète saccagée. Les genres s'opposent à plusieurs niveaux : des humains primitivistes aux demi-dieux modeleurs de monde que sont les Yuweh, plusieurs facettes de la diversité culturelle des hommes et de leurs capacités d'adaptation sont exploitées par l'auteur mais aussi en filigrane le thème ô combien philosophique de l'existence de la conscience chez des êtres artificiels, sur arrière-plan de complot à la dimension de l'univers.
Et en prime l'écriture est très fluide.



Voilà qui clôt ma participation à livra'deux pour pal'addict, une agréable façon de se tenir à la réduction de sa pal.

dimanche 17 mars 2013

Le Silence du Bourreau - François Bizot

Pour cette chronique je vais vous présenter un texte mi-témoignage mi-essai mais qui ne fait pas de demi-mesure dans l'introspection. L'essai constitue la première partie du livre, et la deuxième retranscrit une partie du procès de Douch, le chef militaire des Khmers Rouges dont les leaders ont fait éradiqué 20 % de la population cambodgienne sous le régime de Polpot. Le Portail, écrit en 2000- relate déjà pour l'essentiel l'enlèvement et l'incarcération de François Bizot  en 1971. Alors pourquoi ce deuxième livre serait-on tenté de demander : Quelques années  après l'écriture du Portail, Douch, le bourreau de Tuol Sleng est retrouvé, incarcéré et jugé.

j'ai repris contact avec Douch dès son arrestation.

Ce nouveau texte présente très précisément la relation de transfert qui s'est produite entre l'auteur et son bourreau et soulève la question fatidique : qu'est ce qui peut faire qu'un homme puisse commettre le pire ? En effet grâce à ce qui semble être une question de rivalité dans une hiérarchie triangulaire, et bien que tout semble le désigner comme un traître à la cause Khmer, Bizot sera libéré et pourra fuir en Thaïlande car  Douch va s'opposer à ce qu'il soit exécuté. Les cambodgiens qui assistaient F. Bizot dans ses travaux ont eux été mis à mort. Néanmoins, comme le découvrira Bizot, en 1988,  lors d'une visite d'un camp d'incarcération à Phnom Penh devenu musée,  Douch participera aux meurtres de plusieurs dizaines de milliers de cambodgiens.

La biographie de Douch ne pourrait plus être que celle "du bourreau de Tuol Sleng " alors qu'il m'avait fait voir à moi autre chose de lui-même.


Je craignais qu'il s'agisse d'un texte difficile à lire du fait de certaines caractéristiques descriptives de ce genre de récit et que je redoutais donc certains contenus épouvantables  - qui sont néanmoins sous-jacents, en ellipse - propres aux récits de guerre civile mais l'auteur épargne son lecteur grandement.  Son propos n'est pas de l'effrayer mais à l'amener à une réflexion sur cette part de l'autre  qui nous meut.

Durant le temps de leur apprentissage et avant d'entrer dans l’age mûr, les garçons formaient la catégorie de  ceux qui n'ont pas encore peur. Comme tels, ils devaient s'exercer par la méditation à vaincre l'ennemi censé gésir au fond d'eux sous la forme d'un démon, dans la perspective de leur maturité et d'une sagesse à atteindre.
 

Il y réussit merveilleusement  à travers un style explicatif littéraire d'une  qualité indéniable et à l'association d'éléments biographiques de son enfance, des analogies pertinentes qui révèlent une sensibilité profonde et une connaissance aiguë de la nature humaine.

Je ressortis foudroyé d'une expérience qui m'avait fait tomber sur l'effroyable secret, celui que ma mère, comme tout le monde, avais pris l'habitude de garder : ce qui distinguait l'homme des autres, c'était son aptitude naturelle à faire fi de ses émotions.

un appendice et une chronologie tombent à point nommé en fin de livre.

je tiens à remercier Livraddict et Folio pour le partage de cette découverte.



janvier 2013, 279 pages


dimanche 3 mars 2013

Le dieu était dans la lune - Hervé Thiellement

En ce moment je lis de la science-fiction délirante, ce n'est pas genre  Hard SF même si il  est question par moment de vitesse supra-luminique  et de trous de ver mais plutôt,ici, une éloge à la victoire de l'organique sur le minéral.

Gont, le personnage principal du début pour la mise bouche, est un commerçant sur lequel je n'ai pu m'empêcher de mettre la tête de Harrison Ford et de me remémorer la scène de la taverne dans un certain astroport avec des créatures de l'étrange de la très célèbre séquence de la Guerre des Etoiles - génuflexion et flagellation -  de la cantina band, enfin donc une très grande diversité d'organismes de formes variées se déballent dans ce roman duquel se dégagent une fraternité palpable ou tentaculable voire plus si affinité. Et si ça ne suffisait pas, il en existe même qui change de forme, une charmante changeling, comme Mala dans Captain Flam ( ouaip mais en mieux plus kaleidoscopé ). De nombreuses curiosités se nichent donc ainsi que des références mêmes pas voilées au détour des phrases.



De quoi est-il question : d'une enquête dans un space-planet opéra dans lequel un esprit organique " Gaude" ( God ? ), cerveau vivant sur une lune ammoniacale va décider d'asseoir sa domination sur des êtres humains en mal de divinité tyrannique et qui va voir d'un très mauvais troisième œil le fait que notre Gont et ses amis puissent se déplacer aussi vite que les anibulles, organismes prophétiques phénoménaux permettant à des vaisseaux spatiaux adoptés par les gigantesques créatures de se déplacer dans l'univers au sein d'une poche ventrale ( des espèces de Navigateurs à la Frank Herbert, mais en vachement plus sympa ).

J'ai beaucoup ri à la description de la psychologie de l'enfant-roi  Gaude qui mériterait une bonne fessée ce qui d'ailleurs lui arrive d'une certaine façon quoique Gont et sa tribu préfèrent lui confisquer son joujou :  elle se contre-fiche de la vie d'autrui, tout en aspirant à la reconnaissance universelle de son ego. ou encore à la description  de la caricaturale religion mortifère, au moins le ton est donné, c'est une théocratie même pas parlementaire avec une hiérarchie aussi fanatisée que puissante. Ils ne comprendront que la contrainte par la force.
Mais j'ai grincé des dents en voyant que mes chouchoutes sont encore des simulacres de méchants, non mais oh, les araignées sont nos amies, peace, ce n'est pas parce que elles ont huit pattes qu'elles sont haineuses et haïssables.



Enfin un roman bon enfant pas qu'un peu estudiantin - une connaissance Nathalie Cidouce ? - par l'ambiance, avec plein de petits gadgets sympathiques et toujours bien vivants.





188 pages chez Rivière Blanche. Roman court, non ? bon aller hop challenge JLNN de Lune